First I was afraid // Livai

Il y avait des journées où l'on savait que tout irait mal dès que l'on sortait du lit. C'était une telle journée pour Kaylan. Il avait beau être d'un caractère plutôt optimiste en général, il avait lui aussi ses moments de faiblesses. Lorsqu'il s'était levé il s'était cogné le pied contre sa commode, et peu importe ce que l'on pouvait dire sur la prétendue force des hommes, lorsque l'on se cogne l'orteil que l'on soit homme ou femme, on pleure. Que personne ne vienne lui dire qu'un tel supplice ne méritait pas quelques larmes.

Suite à cette douleur intense, le jeune homme avait passé plusieurs minutes sur son lit, à se masser l'orteil endolori. Puis était venu la toilette et il s'était rendu compte que la teinture de ses cheveux devait être refaite. Il avait complètement oublié que sa dernière teinture n'avait pas tenu et ses cheveux étaient de nouveaux aussi blancs que ceux d'un vieillard. Mais il n'avait pas le temps ce matin, il était attendu à la boutique et il n'était pas en avance. Sans compter qu'appliquer la mixture seul était un pari risqué. S'il oubliait une zone il aurait l'air d'un idiot. Il décida donc à contre cœur d'attendre de pouvoir avoir l'aide de sa mère -qui s'y connaissait bien mieux que son père- pour le faire. C'est donc avec un soupir d'agacement qu'il se lava rapidement avant de s'habiller et de prendre la direction de la boutique de ses parents.

Lorsqu'il était plus jeune Kaylan vivait avec ses parents au dessus de leur boutique de tailleur, mais l'année précédente il avait décidé de prendre son envol. Il ne pouvait rester indéfiniment chez ses parents, même si ceux-ci n'avaient rien contre cette idée. Ils avaient même tenté de convaincre le jeune homme de rester avec eux encore quelques temps, qu'il était trop jeune pour vivre seul. Mais alors qu'il avait presque renoncé à l'idée, Maerik était venu vivre en ville. Son cousin en avait eu assez de la campagne et avait décidé de vivre en ville. Les deux garçons avaient donc tout naturellement conclu qu'ils vivraient ensemble. Vivre avec Maerik était différent de vivre avec ses parents. Aucun des garçons ne surveillaient ce que l'autre faisait, chacun vaquait à ses occupations, allait travailler et le soir ils se retrouvaient pour manger ensemble si Maerik n'allait pas boire un verre à la taverne avec ses amis. En somme, ils vivaient chacun leur vie. Ce qui n'empêchait pas les garçons d'aller manger chez les parents de Kaylan tous les dimanches, ou de passer des soirées ou des après midi ensemble à se raconter les derniers potins et à rire.

Kaylan était plongé dans ses pensées, si bien qu'il ne vit pas la figure arriver au détour d'une maison et lui rentra dedans de plein fouet. L'homme eut à peine un moment de recul au vu de sa carrure bien plus imposante que celle de Kaylan qui lui se retrouva les fesses au sol. Et pourtant c'est l'autre qui fut le plus énervé de cet accident et qui attrapa le pauvre Kaylan par le col pour le relever sans ménagement et le plaquer contre le mur. « Tu peux pas faire gaffe où tu vas ?! Regarde ma chemise, tu l'as toute froissée maintenant ! » Kaylan eut droit à l'haleine alcoolisée de l'homme en pleine face et comprit rapidement que toutes les excuses du monde ne suffirait certainement pas à l'apaiser. « Je suis vraiment désolé ! Je-je peux vous offrir une nouvelle chemise ? Je suis tailleur ! » Mais l'homme n'en avait vraiment rien à faire de ses excuses et semblait juste un prétexte pour se battre. Kaylan vit le bras de l'homme se relever et sa main former un poing. Il ne vit rien de plus.

« Hé du con ! T'as eu tes excuses pour ta chemise de merde, alors fous nous la paix ! » Kay ne mâchait pas ses mots et encore moins pour des pauvres types comme celui qu'il avait en face de lui. Le mec était tellement bourré qu'il suffit à Kay de décaler la tête et le poing termina sa course dans le mur. Profitant de la douleur de l'autre il poussa de toute ses forces contre le torse de son agresseur et réussi à se dégager de sa poigne. Il y laissa un morceau de chemise au passage mais c'était toujours mieux que de laisser cet abruti abîmer Kaylan. « C'est vrai ce qu'on dit, plus c'est grand plus c'est con. » Maintenant que Kay avait pris le contrôle la situation était différente. Fini les excuses et si l'autre s'obstinait à vouloir continuer -ce qui semblait être le cas- il allait prendre cher. On ne touchait pas à Kaylan sans conséquences. Mais un bruit derrière lui détourna son attention et l'ivrogne profita justement de cet instant pour le frapper et l'envoyer -pour la seconde fois- au sol.